La génèse.
Ce projet d’évolution de vie (plutôt que de changement de vie, on y reviendra dans un article dédié au fait de « franchir le pas ») a débuté avant tout d’intuitions profondes que nous avons. Des intuitions largement étayées de constats et rapports de consensus scientifiques, et d’un regard que nous portons sur notre propre espèce et son besoin toujours croissant d’abondance. Nous avons cherché à transformer un sentiment de peur, de déni, et de fatalité en quelque chose de créatif et positif pour nous et notre entourage. Les grandes valeurs de l’ONG pour laquelle nous travaillions tous les deux avec Lénaïc nous ont forcément rapprochés l’un de l’autre. Les confrontations avec nos collègues et experts, ainsi que les lectures de rapports scientifiques n’ont fait que conforter et amplifier nos ressentis. Notre mode de vie n’était plus en accord avec nos valeurs, ni avec la vision que nous avons de l’avenir. L’expérience au WWF France a été un véritable accélérateur de prise de conscience (pas seulement environnementale) et c’est certainement là, le principal élément déclencheur de notre projet. Notre désir d’enfant en a sans aucun doute été le catalyseur : il était urgent pour nous d’avoir un cadre de vie nous permettant d’accueillir un enfant dans ce que nous considérons comme de bonnes conditions pour grandir : du temps avec ses parents, de la nourriture de bonne qualité, une vie confortable et moins assistée, et surtout l’accès à la nature.
Quelles valeurs souhaitons nous transmettre à cet enfant et aux autres ? Que souhaitons-nous lui léguer ? Dans quel cadre souhaitons-nous le voir évoluer ? Que pourrons-nous lui dire quand il nous demandera plus tard : « qu’avez-vous fait quand vous avez compris ce que l’avenir nous réserve ? ».
Car c’est bien là la question principale : qu’avons-nous fait, réellement ? Et pourquoi ne pas être resté au WWF France, en région parisienne où nous avions en abondance a priori tout ce dont nous avions « besoin », en plus de pouvoir dédier notre quotidien professionnel à la protection de l’environnement ?
„Cette consommation débridée est de notre point de vue LE facteur clé de la cascade des crises que l’humain alimente.”
Stopper notre consommation débridée.
De façon très terre à terre, la vie que nous avions à Paris ne nous convenait plus. Nous avions un rythme de travail effréné, particulièrement prenant et fatiguant. Notre mode de vie ne correspondait plus à notre vision des choses : sans parler d’autarcie ou d’autosuffisance, nous sommes convaincus qu’une des grandes solutions à une majeure partie de nos problèmes environnementaux reste de diminuer voire d’arrêter la consommation débridée. On parle souvent de « sobriété ». Cette consommation débridée est de notre point de vue LE facteur clé de la cascade des crises que l’humain alimente : alimentaire, matérielle, énergétique… Mais pas seulement : la « surconsommation » de travail, d’actualités, d’information, d’activités et de tout ce qui créé cette vie si riche et en même temps si destructrice pour notre espèce et celles qui nous entourent. Il s’agit bien là de créer un avenir paisible, confortable et vertueux pour nous, nos enfants, l’humain d’une manière générale et les espèces qui l’entourent. Protéger la planète ou l’environnement, c’est nous protéger nous : la planète, elle, saura se protéger elle-même si (quand) notre espèce vient (-viendra) à disparaître un jour. Une idée s’est installée un jour dans nos têtes : au-delà d’avoir un impact neutre sur l’environnement, nous pouvons réussir à faire un projet qui aurait un impact positif sur la biodiversité. Ça ne sera pas le cas dans l’immédiat, mais si nous réussissons d’ici la fin de notre passage sur terre à avoir créé un lieu favorisant la biodiversité, plus encore que ce que ça a coûté de le créer alors nous aurons atteint le « climax » de notre projet. Avant tout, nous faisons ce projet pour nous-même, parce qu’il est cohérent et harmonieux avec ce que l’on est et ce que l’on pense.
Constats de société et paradoxes.
L’humanité consomme plus que ce que sa planète peut lui offrir de façon durable. C’est-à-dire que le renouvellement des ressources prend plus de temps que le temps qu’il nous faut pour les consommer. D’une manière individuelle, nous pouvons tous constater que nous sommes entourés de choses transformées que nous sommes incapables de produire ou de réparer nous-mêmes.
Il y a plusieurs manières d’interpréter ce constat. Une des manières est déjà de prendre conscience de ce que ça signifie, à notre échelle individuelle. Ce à quoi nous avons accès en abondance, « nous » en tant qu’individus, détruit notre propre planète à grande vitesse (les minéraux, les plantes, le vivant dont nous faisons partie). L’énergie, la diversité de notre nourriture, les matériels et matériaux. Mais bien plus encore : notre assistanat. Pour être toujours plus « productifs » une flopée de services s’est mise en place dans nos vies. Tellement ancrés qu’il est très difficile de les remettre en question.
Pour caricaturer très grossièrement, nous avons accéléré ce déclin des ressources et de la biodiversité qui nous entoure depuis l’ère industrielle. L’industrie qui semblait être une réponse magique à notre envie de « confort de vie » et à l’explosion démographique semble finalement être ce qui nous précipite vers des changements brutaux, non contrôlés et peut-être radicaux de modes de vie.
Fortes de ce constat, plusieurs visions s’opposent et se complètent. L'une d’entre elles est d’attendre que la solution vienne d’ailleurs. La technologie par exemple. Pour ne citer que lui, Elon Musk fait partie de ces grandes figures qui incarnent la révolution par la technologie. De mon point de vue, la technologie n’a que trop souvent trouvé des solutions très ciblées à des problèmes de grande ampleur. D’une certaine manière je trouve qu’il manque cette vision systémique propre à la permaculture : réfléchir de manière globale.
Une autre vision, plus proche de la nôtre avec Lénaïc, est de considérer que pour éviter de « sur-consommer » les ressources de notre planète, il faut à notre échelle (individuelle, familiale, de quartier, de hameau…) vivre de façon résiliente. C’est-à-dire, concernant l’alimentation par exemple, autant que possible tendre vers une consommation générale de ce qu’on peut produire, à l’échelle d’un hameau, ou d’un village. Devenir producteur-consommateur au lieu de n’être qu’un consommateur assisté.
C’est une douce utopie évidemment. Nous ne sommes pas près de fabriquer nos propres vêtements et de réussir à nous passer de toute la technologie qui nous vient de l’industrie, grâce à des minerais qui proviennent de l’autre bout de la planète et qui seront raffinés encore ailleurs. C’est le paradoxe même de toute cette réflexion : pour avancer vers plus de résilience, nous avons besoin pour le moment de beaucoup de choses que justement on ne devrait plus utiliser.
Travailler une vision systémique.
Créer un quotidien vertueux.
Comment se positionner alors ? Je n’aurais jamais la prétention de donner une réponse à un problème si complexe et si global. Je pense qu’il est important de se construire une vision du fonctionnement de l’humanité et de l’avenir tel qu’on le pense soutenable. C’est à partir de ce constat qu’on a commencé à adapter notre vie petit à petit, pour être de plus en plus en cohérence avec nous-même. C’est typiquement ce qui nous permettra de vivre paisiblement et sereinement à côté d’autres, qui ont fait d’autres choix de vie. Un exemple pour revenir sur la vision que représente Elon Musk : ceux qui sont persuadés que la solution sera apportée par la technologie dans un modèle capitaliste vont investir dans des moyens de transport électrique. Ceux qui ont une vision plus modeste de la résilience vont préférer adapter leur mode de vie afin de réduire leurs besoins de déplacement. Ce qui est sûr de mon point de vue, c’est qu’une vision d’un avenir soutenable par la résilience passera forcément par une perte du confort de vie tel que l’ère industrielle nous l’a « enseigné ». Ce qui ne signifie pas de perdre en qualité de vie ou en bien-être, au contraire. C’est encore une réflexion à travailler individuellement. J’ai par exemple largement profité du système de livraison de repas à domicile quand j’habitais à Paris, pendant des années, et ce par « confort ». Ayant changé de point de vue, je ne considère plus du tout ce système comme un confort mais plus comme une résultante d’une vie d'hyper productivité… Dans laquelle je ne trouve d’ailleurs plus aucun confort du tout !
Nous pensons avec Lénaïc qu’une vie résiliente peut exister en mangeant sainement et en abondance, entourés d’amis et de la famille avec qui on peut partager un bon repas, dans un foyer dans lequel il fait bon vivre, et dans une vie où chacun a du temps pour s’épanouir et s’entraider.
Nous pensons donc que le meilleur moyen d’arriver à créer ce quotidien vertueux, c’est la résilience, à l’échelle quasi individuelle. La vie citadine s’accorde difficilement avec un réel principe de résilience, qui ne soit pas de la « simple » compensation financière de nos impacts. En effet, même si l’accès à tous types de services sera toujours plus facile en ville, il n’y a quasiment aucune chance pour un-e citadin-e de pourvoir aux besoins fondamentaux de manière souveraine, à savoir produire son eau potable ainsi que sa nourriture saine et son énergie.
Comment réduire notre envie presque irréfrénable de consommation, dans une vie où nous n’avons presque plus de temps pour nous ? Comment moins consommer, et mieux consommer lorsque le temps nous manque et lorsque la fatigue intellectuelle nous pousse vers la facilité ? Comment vivre en harmonie avec nos valeurs ? Comment transmettre par l’exemple nos valeurs à notre enfant ? Comment retrouver ce rapport direct à la nature qui nous manque de plus en plus et qui nous a déconnecté de notre place en tant qu’espèce sur Terre ? Peut-on encore se créer une vie pleine de sens dans un système qui tend à profondément changer à courte échéance ? Comment retrouver le temps de réfléchir et d’adapter notre mode de vie ? Finalement, que pensons-nous réellement de l’avenir de notre société ?
„Le plus difficile aura été d’affronter et d’accepter nos propres paradoxes.”
Les choix.
Nous avons fait le choix de vivre le plus possible en cohérence avec notre vision, et de le faire pour nous (nous y reviendrons dans un article dédié à la perception du monde). Le plus difficile aura été d’affronter et d’accepter nos propres paradoxes, avant de petit à petit poser les briques de notre vie actuelle que nous continuons jour après jour de faire évoluer. Ce mode de vie que nous avons recréé est socialement riche, confortable, connecté à la vie en France métropolitaine, épanouissant et financièrement stable. Notre projet fonctionne dans le système sociétal français actuel, et pose des bases solides pour notre vision de l’« après » , selon notre idée de l’avenir du système qui régit notre société. Je vous expliquerai dans les articles suivants notre vision des choses sur cet avenir plus qu’incertain qui nous attend tous. Je vous donnerai les clés et les méthodes que nous avons trouvé pour vivre en cohérence face à toutes ces contradictions.