Étude préliminaire Partie 1 : les acquis
25 octobre 2022Étude préliminaire Partie 1 : les paradoxes
25 octobre 2022Les facteurs de réussite.
Pour finir ce portrait-robot, on va se pencher sur ce que j’appelle les « facteurs de réussite ». Nous avons tous une vision bien singulière de ce que représente la réussite. Cette vision peut changer et évoluer au fur et à mesure du temps, des expériences. On y reviendra dans un futur article concernant la différence entre l’information et la perception. Par exemple, ma vision de la réussite à l’époque où j’avais une société de production à Paris, c’était de gagner plus de 3 000 € par mois, et de travailler pour des marques connues de tous, peu importe la marque finalement. Je n’envisageais pas d’embaucher, ce n’était ni une envie, ni un facteur de réussite pour moi que d’avoir des salariés. Je souhaitais avoir un ordinateur plus puissant que jamais, officiellement pour accélérer mes exports 3D et autres montages vidéo. Je suis un passionné d’aéromodélisme, je voulais pouvoir m’acheter autant de composants de drone que je le souhaitais, sans restriction de quantité (mais vivant dans un petit appartement, ça limite toujours en termes de place de stockage). Je ne souhaitais pas vivre dans un lieu plus grand que mon 18m², la taille de mon appartement ne faisait pas non plus partie de mes facteurs de réussite. J’avais également besoin d’une reconnaissance familiale sur mon parcours, en particulier de mes « détracteurs ». Voilà en quelques mots ce qui pour moi représentait la réussite avant mon changement de perception sur le monde qui nous entoure.
Réussir à changer de point de vue.
Cette vision a beaucoup changé depuis, et continue de changer. En travaillant au WWF France j’ai abandonné l’idée de bien gagner ma vie, ainsi que celle de travailler le moins possible. Le curseur s’était déplacé : ce qui avait de l’importance c’était de sensibiliser le plus possible de personnes sur la question environnementale et sur les constats scientifiques. Tout le temps et l’énergie que je dédiais à cette cause n’avaient pas d’importance si j’augmentais le nombre de personnes touchées. C’était un nouveau facteur de réussite.
Actuellement, ma perception a encore évoluée à ce niveau : le nombre de personnes touchées me semble moins important que la façon dont j’arrive à toucher ces personnes. De plus, je me suis aperçu qu’apporter de l’information fait rarement changer de point de vue, ni même ne questionne fondamentalement mon interlocuteur. Étant particulièrement cartésien, c’est quelque chose de totalement incompréhensible pour moi, mais force est de constater que c’est le cas. Pour changer de perception, il faut être informé certes, mais ça ne suffit pas. De mon point de vue, et à mon échelle, je ne peux réellement aider dans ce sens autrement qu’à l’échelle individuelle. Le projet de gîte et de table d’hôtes s’accorde avec cette idée qu’on a avec Lénaïc de chercher à sensibiliser les personnes qu’on rencontre. Sans pour autant essayer de convaincre, nous souhaitons pouvoir expliquer notre démarche et discuter des constats sur lesquels elle s’appuie. Allez savoir, peut-être que grâce à un effet papillon on participera à faire changer des choses à grande échelle !
Sur un autre domaine que la sensibilisation, le montant de ce que je gagne ou de ce que gagne notre foyer n’a plus la moindre importance (en termes de sensation de réussite). C’est bateau à dire, mais ce qui est devenu le facteur de réussite, c’est notre bien-être : le fait d’être heureux et paisibles. Ce n’est plus le montant arbitraire qui m’importe mais celui qui correspond à nos dépenses. Ce facteur de réussite est donc modulable. Nous avons une vie sur mesure, où l’on peut adapter chaque journée à notre rythme, à nos envies et (pour être parents d’un petit qui demande beaucoup d’attention) en fonction de notre état de fatigue et de patience. J’ai également pris ce pli dans mon travail de prestataire vidéo : je suis quelqu’un qui travaille rapidement et qui sait tenir les délais ou les prix qu’il annonce. Cependant j’estime que dans la communication (parce que dans la vidéo il ne s’agit que de communication), il n’y a pas d’urgence. Jamais. C’est un peu une des maladies de ce secteur, où tout est toujours urgent et à la dernière minute. Personnellement, sans abuser outre mesure, je ne travaille plus dans l’urgence. C’est un des choix de vie que j’ai fait, parce que mes facteurs de réussite ont changé : je n’ai plus besoin de travailler pour une marque connue ou de gagner beaucoup d’argent pour estimer avoir réussi ma vie. J’ai besoin de travailler avec des personnes que j’estime, avec qui j’ai des relations saines tant personnelles que professionnelles. Et j’avoue très bien m’y retrouver depuis que j’applique ces choix : les projets sont fluides, agréables. Il n’y a jamais de problème d’argent ni de tension quelconque à un moment ou un autre. Je redécouvre mon métier, et c’est un vrai plaisir.
„Nous avons une vie sur mesure, où l’on peut adapter chaque journée à notre rythme, à nos envies.”
Dans les facteurs de réussite, je partage avec Lénaïc le fait de dégager du temps pour s’occuper de Robin. Nous avons fait le choix de garder Robin avec nous le plus longtemps possible jusqu’à son entrée à l’école (a priori nous ne souhaitons pas faire l’école à la maison pour Robin, à voir s’il réussira à s’adapter au milieu scolaire évidemment). C’est aussi un facteur de réussite pour nous de ne pas avoir dû le mettre en garde sur ses premières années de vie. C’est un choix plus difficile qu’il n’y paraît, tant en termes d’organisation que de rapport à la fatigue et la patience, mais nous en sommes fiers. Pour finir, la reconnaissance de ma famille, et en particulier de mes « détracteurs », n’a plus la moindre importance pour moi. Je regrette un peu d’avoir mis le curseur à cet endroit dans ma vie « d’avant », car j’ai dépensé beaucoup d’énergie pour finalement un résultat qui n’a eu aucun intérêt. Mon conseil serait de se laisser porter par ceux qui nous encouragent et de ne pas attacher d’importance à ceux qui portent un jugement négatif. Attention tout de même à savoir faire la différence entre des jugements hâtifs et des critiques constructives. Ces détracteurs comprendront peut-être un jour, mais en attendant, on aura besoin de ne pas éparpiller notre énergie pour éviter l’essoufflement. J’ai par contre un réel besoin de reconnaissance de mes amis : je suis fier d’avoir des amis qui s’intéressent à notre projet de vie sans en être des détracteurs : on peut évidemment se renseigner sans préjuger des choix de vie d’autrui qui ne sont pas les nôtres.
Vous l’aurez compris, il est important de faire le point sur nos facteurs de réussite. Quels sont-ils actuellement ? Ont-ils évolué ? Sont-ils encore en lien avec notre vision des choses ? Je vous spoile un peu la fin mais c’est important d’être fier de soi car il y a des chances que certaines personnes qu'on estime beaucoup n’accordent pas beaucoup de crédit à notre projet, tant qu’il ne correspondra pas à leurs propres facteurs de réussite. Pour faire l’avocat du diable, si un de nos proches citadins considère qu’avoir le SUV dernier cri est un facteur de réussite, ça ne nous parlera probablement pas du tout. Dans ce cas précis, c’est nous qui n’accorderions pas de crédit à son projet. Ce fonctionnement marche dans les deux sens forcément, et on a probablement pu être, nous-même sans nous en rendre compte, cette personne un peu rabat-joie pour quelqu’un qui avait d’autres facteurs de réussite que les nôtres. La grosse différence c’est que nous sommes en train de revoir nos propres facteurs de réussite dans une compréhension holistique des choses et pas simplement pour les calquer sur une vision sociétale de marketing occidental. Donc a priori nous n'achèterons pas de SUV, non pas parce que nous n’en avons pas les moyens, mais parce que ça n’a aucun sens, dans notre projet et pour nous. Ce qui sera une vraie réussite finalement !
Définir sa propre vision de la réussite.
Réussir à créer un peu de résilience, à donner de l’importance à ce qu’on appelle les low-tech, retrouver du temps et de l’humanité dans les relations, garder du confort et des relations sociales, prendre le temps de voir grandir Robin dans un cadre où on sait ce qu’il mange, voilà nos facteurs de réussite actuels. Nous sommes très fiers d’avoir fait ces choix et croyez-moi, ce n’est franchement pas simple au quotidien.