Réduire nos dépenses : par où commencer ?
26 octobre 2022Gagner de l'argent ou pas ?
Pendant plusieurs années j’ai eu pour objectif personnel de toujours gagner plus que ce que je dépense. Après avoir fait plusieurs types d’emplois précaires en usine, travaux publics et autres intérims, je suis arrivé à Paris en contrat de professionnalisation, avec un salaire de 750€ par mois, un loyer de 540€ (oui oui), la moitié d’un abonnement de transports à payer et un peu d’aide de la CAF. Cette sobriété subie n’a pas été du meilleur effet pour moi : j’avais une vie très limitée par contrainte financière, de quoi a découlé beaucoup de frustrations de consommation. J’avais donc décidé que j’exercerai un métier qui me plairait (la vidéo) et que tant que j’avais « besoin » de dépenser plus, je continuerai à chercher à gagner plus.
Je n’avais pas de recul à cette époque évidemment, aucune vision holistique et encore moins écologique. D’ailleurs, concernant l’écologie, des « faut pas exagérer non plus » ou « on en est pas à ne plus pouvoir respirer » ou « les études on leur faire dire ce qu’on veut » pouvaient très facilement faire partie de ma vision des choses. Je me rends compte maintenant de la puissance du déni avec ce genre de « technique de l’autruche ».
Passer de l'utopie à la réalité.
La réflexion la plus simple qu’on peut mener en termes financiers serait à mon sens : combien d’argent et pour quoi faire ? Prenons l’exemple de la nourriture : combien d’argent faudrait-il pour bien manger ? Dans une vie très optimisée, bien manger c’était pour moi qu’on me livre des plats non industriels, préparés avec des légumes bio, rapidement. Je paye donc la production de produits bio, leur transformation, la livraison et la réactivité de toute la chaîne. Pour me payer ces services, et être sûr de pouvoir continuer à le faire en toutes circonstances, je vais devoir en toute logique gagner plus d’argent qu’il en coûte. En ajoutant de nouvelles exigences, par exemple celle de vouloir manger des produits de qualité et celle de vouloir réduire mon impact environnemental, je vais chercher des produits bio, mais locaux (au-delà de l’impact carbone, les normes françaises de bio sont plus drastiques que celles de la plupart des pays Européens) et de saison (pas ou peu de procédé de stockage). Je me confronte alors à deux éléments. D’un côté je change ma vision du service (je souhaite manger diversifié, mais dans la limite de ce que les producteurs sont capables de produire auprès de moi, je ne souhaite plus avoir accès à tout type de produit, tout le temps). De l’autre, je me confronte à la réalité : ce service de niche n’existe pas. Il n’existe pas de restaurateur proposant de choisir une diversité de repas dans la semaine qui allie les spécificités bio, locales (à minima de France métropole en ce qui me concerne) et de saison.
Et nous voilà amené à la réflexion avec un peu plus de recul : si je considère que manger des produits sains me permettra de vivre vieux et en bonne santé, et que mon impact environnemental à ce niveau est important pour moi, il n’existe pas de solution par l’argent que je pourrais gagner, peu importe le montant. Vous pourrez retomber sur ce même résultat sur plusieurs aspects de votre vision des choses. L’argent sera la solution à toutes vos envies, uniquement dans le cadre sociétal capitaliste pur et dur. C’est-à-dire sur une base d’offre et de demande (ce qui limite déjà le spectre de vos envies), qui va varier jusqu’à épuisement des stocks. Sans tomber dans la caricature qui dirait que l’argent ne résout rien, il devient évident quand on y réfléchit, qu’il ne peut pas être la solution à tout, et en particulier il ne peut pas être la solution à une prise de conscience écologique.
„L’argent sera la solution à toutes vos envies, uniquement dans le cadre sociétal capitaliste pur et dur.”
Forts de ce constat nous avons pu commencer à redistribuer les cartes de notre vie si optimisée. C’est par ce genre de réflexion menée avec Lénaïc que nous avons entrepris de front une véritable réflexion de fond : nous ne souhaitions pas gagner plus d’argent. Nous souhaitions même en gagner moins : si nous réussissons à vivre selon notre vision du confort dans un cadre de vie qui représente la réussite à nos yeux, tout en réduisant nos besoin d’argent, alors nous n’en serons que plus heureux et fiers. Concernant l’exemple de la nourriture, une des solutions que nous avons trouvée était de produire ce que nous mangeons. Pour ce faire, il nous fallait du temps à y consacrer, et donc nous devions passer moins de temps à gagner de l’argent. D’une façon plus globale, la sobriété et le changement de mode de vie que nous entreprenons nous demande beaucoup de temps, que ce soit pour réfléchir, fabriquer, transformer, apprendre, afin de gagner en compétence et en qualité. Je pense bien entendu à la nourriture mais aussi concernant certains de nos habits, nos constructions et réalisations sur place.
Moins d'argent, plus de types de rentrées d'argent.
La deuxième réflexion sur les gains consiste à chercher à multiplier les sources de recettes. Nous nous sommes inspirés de principes permacoles sur ce point, comme pour toute la création de ce projet : une fonction doit être remplie par plusieurs éléments et chaque élément doit remplir plusieurs fonctions. Ce procédé nous assure de pouvoir absorber les variations dans notre projet (variations environnementales, mais pas seulement). Nous avons donc décidé, en plus de chercher à gagner moins qu’avant (comprenez adapter notre mode de vie pour avoir moins besoin de gagner d’argent), à multiplier les sources de recettes : nous avions deux emplois en CDI à Paris qui nous assuraient 100% des rentrées d’argent, qui plus est du même employeur. Aujourd’hui, Lénaïc est à son compte en tant que consultante en développement durable . De mon côté je suis à mon compte en tant que vidéaste (avec également un carnet de clients diversifié). Nous avons ouvert notre gîte, et nous allons bientôt proposer une table d’hôtes. Nous produisons notre bière qui nous permet de faire du troc avec nos voisins et nous espérons produire suffisamment de légumes pour pouvoir troquer également. Nous touchons des aides de l'État (pour le moment nous touchons les indemnités de chômage). Nous avons réfléchi à quelques ouvertures pour continuer de développer cette multiplication des sources de revenus tout en s’inscrivant dans notre projet. Nous cherchons, par exemple, à développer une activité de pépinière végétale. Pourquoi ne pas proposer nos services dans la consultation sur des projets permacoles quand nous aurons une réelle expérience ? Nous pourrions également proposer des formations sur nos différentes expertises, ou encore réfléchir à ce que nous pourrions faire dans l’édition si l’occasion se présente.
Nous avons listé toute une série d’activités potentielles avant de faire le tri dedans, d’un point de vue de l’énergie que chaque activité nous demanderait, par rapport au bien-être, au temps à y passer et à l’argent que ça pourrait nous rapporter. Nous en reparlerons dans un prochain article.