Les calculs partie 2 : dépenses / recettes – Les feuilles de calcul.
26 octobre 2022Les calculs partie 4 : la conclusion
26 octobre 2022Les déclinaisons sur 10 ans.
Et voilà le début des va-et-vient entre les différentes feuilles de calcul du tableur. Et encore, à ce moment on n’allait travailler que sur un seul des différents scénarios que nous avions imaginé pour la suite. Une fois ce scénario stabilisé, nous devions essayé de réussir à garder une certaine forme de ténacité afin d’entreprendre le calcul pour les autres scénarios, qui pour le coup nous arrangeaient un peu moins.
Nous avons organisé le tableau de cette manière : une colonne par une année civile. Les montants sont affichés pour des dépenses / recettes mensuelles afin de faciliter la lecture, et multipliés par 12 d’une colonne à l’autre.
Pour les premiers mois de notre projet nous avons détaillé un peu plus : la première colonne représente notre situation de départ jusqu’à une date butoir que nous avons estimée comme celle de l’emménagement dans notre nouvelle maison. Cette date a été choisie arbitrairement. Nous avions estimé que les changements budgétaires pouvaient raisonnablement être enclenchés à ce moment. La seconde et la troisième colonne et la suivante ne concernaient que 2 ou 3 mois chacune. Il s’agissait de mois « bancals » pendant lesquels nous avions des dépenses exceptionnelles (allers-retours à Paris, achat d’une voiture) et des recettes exceptionnelles (aucune recette liée au projet, pas de salaire pendant une courte période et pas de chômage également, une indemnité de départ…).
Bref, nous avons détaillé les quelques mois jusqu’à janvier de l’année suivante. Année à partir de laquelle on pouvait à peu près calculer les recettes et les dépenses par an. Les calculs sont ensuite établis par année jusqu’à nous éloigner de 10 ans. Nous avons estimé qu’à partir de la troisième année il n’y aurait plus de variation de dépenses ou recettes. Les montants ont donc été multipliés pour avoir le résultat à 10 ans.
Explication du tableau téléchargeable en fin d'article.
Premier montant.
Le premier montant affiché pour chaque colonne concerne notre trésorerie en début de période : combien d’argent avons-nous sur l’ensemble de nos comptes en banque. C’est LE montant le plus important de tous : combien est-ce qu’il nous reste de côté. Nous avons fait le choix dès le début avec Lénaïc de mettre notre trésorerie en commun. Nous ne séparons donc pas son argent du mien dans nos calculs. Financièrement parlant, nous avons toujours chacun notre compte en banque par soucis de simplicité, mais nous fonctionnons comme si cet argent était dans un pot commun. Les dépenses sont effectuées indifféremment depuis les deux comptes. De la même manière, d’une année sur l’autre, nous mutualisons les recettes. Le montant de la trésorerie restante représente donc le total de ce qui est encore en banque sur nos deux comptes.
Dans nos calculs et dans notre mode de fonctionnement, nous gagnons de l’argent tous les deux. Et nous le dépensons tous les deux. Pour fonctionner en bonne intelligence avec cette mise en commun au quotidien, nous avons établi dans les dépenses un montant « autres » que nous pouvons utiliser pour s’acheter des choses sans avoir l’impression de devoir demander toujours à l’autre. Dans les faits, nous annonçons toujours lorsque nous faisons une dépense ou une autre afin de tenir l’autre informé. En ce qui concerne les dépenses liées au quotidien ou au projet nous fonctionnons de la même manière. La règle étant qu’on ne se prend pas la tête tant qu’on a plus d’argent en trésorerie que ce qu’on avait prévu à l’origine avec ce tableau. De toutes manières, on ne va pas tomber dans un schéma d’achat frénétique, car sinon ce projet n’aurait aucun sens. Si on s’approchait de ce qu’on avait estimé dans ce tableau, que la marge de sécurité se rétrécissait, on reverrait les achats et les dépenses autrement.
„nous fonctionnons comme si cet argent était dans un pot commun.”
Second, troisième et quatrième montants.
Le second montant correspond au résultat du mois. C’est-à-dire combien on aura gagné, moins combien on aura dépensé sur chaque mois. C’est exactement ce dont je parlais dans un article précédent : le résultat sera peut être négatif (donc on aura dépensé plus qu’on aura gagné), mais ça ne veut pas dire que le projet n’est pas viable financièrement pour autant. L’objectif du tableau c’est que le projet soit viable financièrement sur le long terme, et pas que le résultat du mois soit positif. En gros, tant qu’il reste de la trésorerie au moment où le projet se stabilise (c’est-à-dire au moment où les recettes compensent les dépenses) alors on est bon. Il nous semble important de garder une certaine épargne pour nous permettre une agilité financière en cas de besoin.
Par exemple dans notre projet, à terme, nous avons estimé que nous aurions un résultat négatif de -264€ par mois, tous les mois jusqu’à ce que le prêt soit remboursé. Dans les dépenses liées à ce résultat, nous remboursons un prêt à hauteur de 800€ par mois. Pour simplifier : nous avons 264€ de trésorerie en moins chaque mois, mais nous avons 800€ de maison en plus. Financièrement parlant, et toujours pour simplifier, on pourrait presque considérer que nous sommes en positif de 536€. D’après nos calculs, nous aurons fini de rembourser la maison avant de n’avoir plus de trésorerie. À ce moment précis, le résultat du mois (si le reste des dépenses et des recettes ne bouge pas) sera de +536€ chaque mois. Vu notre vision de l’avenir, il n’est pas bon de tout miser sur les banques. Nous pensons que de l’argent qui “dort” sur un compte en banque à long terme n’est pas une bonne idée (même s’il rapporte de l’argent). Donc au final, avec un résultat négatif sur notre résultat par mois tant que le prêt court, nous avons un projet viable, et une trésorerie en positif qui diminue petit à petit sans jamais passer sous le zéro. Nous éviterons a priori une banqueroute. De notre point de vue, si le projet est viable sur 10 ans, nous aurons toujours le temps de nous adapter aux changements. D’ici là les choses auront bien le temps d’avoir évolué.
Le montant suivant nous donne le résultat de la période. Il s’agit simplement du résultat du mois multiplié par le nombre de mois que la période concerne.
Et enfin nous avons le total de la trésorerie à la fin de la période. C’est donc ce qu’il nous restera en banque à la fin. Il s’agit du montant de la trésorerie en début de période, moins le résultat total de la période concernée.
Après le global, le détail.
Les dépenses.
Interviennent ensuite toutes les dépenses précalculées sur la feuille « dépenses ». De la même manière, nous avons utilisé des multiplicateurs pour faire varier les différentes dépenses en fonction des années selon ce qui nous semblait raisonnable. Ce sont les cases les plus faciles à faire varier au début car il est facile de se projeter. Par exemple, si vous avez un gros budget coiffeur, en le divisant par deux vous avez une idée assez précise de ce que ça représente dans votre vie quotidienne. À savoir, avoir les cheveux plus longs ou trouver un autre moyen pour les faire couper. Il y a deux gros postes de dépenses qu’on a pu réduire drastiquement en faisant des choix de vie. Le premier concerne Robin : en utilisant des couches lavables d’occasion, en allaitant et en supprimant tout moyen de garde (crèche ou nourrice), Robin ne représente presque plus rien dans le budget. Non seulement on peut passer plus de temps avec lui, en plus, ce mode de vie nous coûte moins cher, c’est ce qu’on appelle un win-win en ce qui nous concerne. La contrepartie c’est qu’on avait moins de temps à consacrer à l’élaboration du projet et qu’on a accumulé beaucoup de fatigue la première année (c’est un win-win fatigant en somme). Le deuxième est également un win-win : nous avons pris la décision de n’avoir qu’une seule voiture. Cette décision demande pas mal d’organisation quand on vit à la campagne mais elle correspond beaucoup plus à notre vision des choses concernant la sobriété, et en plus de nous arranger particulièrement financièrement ; et elle correspond à notre façon de vivre puisque nous travaillons tous les deux avec Lénaïc à la maison la plupart du temps. A terme, nous cherchons à l’utiliser de moins en moins pour privilégier le vélo par exemple. Ce n’est pas encore le cas au moment où j’écris ces lignes. La voiture nous a permis en plus des trajets pour faire les courses, de ramener une quantité impressionnante de matériaux pour l’aménagement du jardin. Une voiture avec de la place pour transporter des choses est vraiment un choix judicieux. Sans vous détailler ici les variations des montants voici la liste exhaustive des dépenses à terme que nous avons anticipé, par mois : remboursement de prêt (800€), nourriture (500€, en anticipant de bonnes récoltes dans le jardin), électricité (110€), assurances (125€), impôts (304€ dont le foncier, et la taxe d’habitation), multimédia (90€, dont nos forfaits téléphoniques), voiture (250€, entretien et essence), divers (715€, mutuelle, culture, eau, frais bancaires, coiffeur, vêtements, cadeaux, etc.), et 400€ pour Robin. Total envisagé de 3294€ à partir de la troisième année. C’est bien loin d’une certaine sobriété certes mais il s’agit d’un montant légèrement sur-estimé. De plus, notre objectif est toujours de continuer à descendre ce montant tout en gardant un sentiment de confort de vie. Nous avons fait le choix de commencer sur des dépenses qui nous semblaient raisonnables pour ne pas faire de changement trop brutal.
Légèrement surestimer les dépenses et sous-estimer les recettes.
Les recettes.
Arrivent ensuite les recettes prévues pour Lénaïc, et les miennes. Nous avons fait varier ce montant au fur et à mesure des années. En prenant les recettes prévues dans la feuille de recette, nous avons multiplié ce montant au fur et à mesure des années pour arriver à des recettes qui nous semblaient raisonnables. Pour Lénaïc, ses missions sont étroitement liées au réseau de personnes qu’elle connaît au sein du WWF. Petit à petit, les personnes encore en interne connaissant Lénaïc partiraient probablement vers d’autres horizons, et nous ne pouvions être certains qu’elle resterait une personne référente sur les sujets d’agriculture durable, d’alimentation durable et de déforestation importée. Lénaïc souhaitait dès le début du projet élargir son champ de compétences, entre autres sur le numérique responsable. Cependant, encore une fois, ne sachant pas si cet élargissement de compétences allait raisonnablement pouvoir se convertir en contrats de prestations, nous sommes partis du principe que les recettes liées à son activité se stabiliseraient aux alentours de 6000€ par an, donc 500€ par mois. Nous avions imaginé que les ateliers pâtisserie qu’elle mettrait en place pourraient rapporter à terme 720€ par an, ce qui reviendrait à 60€ par mois. Pour la première année, ce montant a été multiplié par 0,33, ce qui donne 20€ par mois, par 0,66 la deuxième année pour arriver à 40€ par mois, jusqu’à arriver à 60€ par mois à partir de la troisième année. Nous avions également anticipé le chômage qu’elle recevrait sur les deux premières années. De mon côté, j’avais bien entendu le chômage la première année (mes droits ne s’étendaient pas au-delà). Puis nous avions prévu des recettes via des prestations de vidéaste, et également en tant que formateur de vidéastes. À terme, nous avions anticipé 1500€ par mois de recettes liées aux prestations vidéo et 300€ pour la partie formation. La partie prestation a été multipliée par 0,2 pour la première année, et ainsi tombait à 300€ par mois, le temps de relancer mon réseau de clients. La partie formation, elle, a été anticipée à 50€ par mois la première année soit environ 600€ sur l’année. Au final j’ai commencé cette partie formation seulement la troisième année.
„Pour être indépendant il faut être capable d’être organisé et savoir jongler avec des périodes d’activité plus ou moins fortes.”
Cette partie, comme les autres, prend du temps d’ajustement. Il faut réussir à doser raisonnablement ce qu’on peut potentiellement rentrer comme recettes, et comment elles peuvent évoluer au fur et à mesure des années. Pour être honnête, ayant subi un certain surmenage dans nos activités de salarié au WWF, nous avions commencé à estimer ces recettes très à la baisse. Puis petit à petit, une fois les dépenses réduites au maximum de ce qu’on estimait comme raisonnable, il nous a bien fallu augmenter les recettes. Et donc prévoir de travailler plus que prévu initialement dans nos têtes. Je le répète encore mais notre objectif était de réussir à faire fonctionner ce projet globalement. Dans les compromis que nous avons choisi, nous avons fait celui de continuer à garder une certaine activité professionnelle. Pour remettre les choses dans leurs contexte, en ce qui concerne mon activité de vidéaste et vu mes compétences, mon expérience et mon réseau, je pouvais raisonnablement prétendre à des journées facturées entre 450€HT et 550€HT. Il fallait donc que je réussisse à trouver des contrats de prestations me permettant de travailler 6 jours par mois, tous les mois. Attention à ne pas faire de raccourci de compréhension ici, il s’agit bien de rentrées d’argent d’entreprise, pas de salaire ou d’argent que je peux ensuite dépenser. Pour facturer 500€HT la journée, il faut trouver un client qui valide ce budget, faire la prestation correspondante, facturer et récupérer cet argent, le déclarer, payer des charges, et ensuite seulement on peut jouir du restant. Dans le cas d’une auto-entreprise, et sous un certain seuil de recettes, les charges sont plus ou moins de 25%. Il se passe en général 3 mois entre la validation d’un devis et le moment où le client procède au versement. C’est donc comme pour tout, avec un peu d’organisation, et un peu de trésorerie de côté, ça fonctionne bien. Concrètement il m’arrive de travailler deux ou trois semaines d'affilées, et il m’arrive aussi de ne plus rien avoir pendant 1 mois ou deux. Pour être indépendant il faut être capable d’être organisé et savoir jongler avec des périodes d’activité plus ou moins fortes. Mais c’est un autre débat, et mon expérience entrepreneuriale d’avant le WWF m’avait largement préparé à tout ça. Total envisagé comprenant les activités de Lénaïc et les miennes : 2360€ par mois à partir de la troisième année.
Ensuite nous avons listé les recettes communes. En fait il s’agit du gîte et de la partie table d’hôtes qui, si je suis transparent relève pour cette dernière bien plus des compétences de Lénaïc que des miennes concernant la préparation du repas. Nous avons anticipé que le gîte pourrait nous rapporter 450€ par mois à partir de la troisième année, et moitié moins sur les deux premières années. Finalement, les recettes ont dépassé 450€ par mois dès la première année d’activité du gîte. Nous avons également comptabilisé dans cette partie les aides que la CAF pouvait nous verser que nous avons estimées à un peu moins de 200€ par mois avec un enfant (en réalité ce montant était de 85€). Nous avons également ajouté les revenus liés aux divers ateliers que nous souhaitions mettre en place pour un montant de 20€ par mois. Pour finir cette partie recettes, nous avons anticipé pouvoir vendre pour 20€ par mois des produits transformés chez nous. Nous pensions par exemple aux jus de fruits, confitures et autres produits locaux. Total envisagé de 670€ par mois à partir de la troisième année.
Faire des pauses et revenir à tête reposée sur le tableau.
Ce qui nous donne ?
Ce qui nous donne un peu moins de 3000€ par mois de recette pour un peu plus de 3000€ par mois de dépenses (dont un remboursement de prêt, donc de l’argent « transformé en foncier »).
Pour finir nous avons ajouté deux lignes modifiables à souhait par soucis de simplicité : “dépenses ponctuelles” et “recettes ponctuelles”. Il s’agissait de pouvoir ajouter des dépenses ou des recettes qui ne s’étaleraient pas dans le temps, par exemple l’achat d’une voiture, les frais de déménagement ou autres.
Voilà, on a fait le tour. S’il est difficile de poser une base, c’est-à-dire d’anticiper des montants pour toutes les recettes et les dépenses quand on a créé le tableau, il a été bien plus long encore de les ajuster petit à petit. On a passé un temps incalculable pour réussir ces projections. Et, rappelez-vous, il ne s’agit là que du premier scénario. On en a calculé 5 en tout. Même si les autres sont plus rapides à calculer car les réflexions de fond ont déjà été faites, les différences nous obligent quand même à changer les plans selon la trésorerie restante.
Le plus simple a été de d’abord réduire les dépenses jusqu’à arriver au montant dont je viens d’énumérer les sommes, puis petit à petit d’augmenter les recettes de certains postes, et de les diversifier, jusqu’à ce qu’à terme le scénario soit équilibré. Avec la projection finale de ce scénario, nous prévoyions de consacrer un peu moins de deux semaines par mois à une activité intellectuelle qui « remplit les caisses ». Environ 4 jours à nous occuper du gîte et le reste réparti sur l’aménagement et l’entretien du jardin, et le quotidien. En parallèle, au moins un de nous deux s’occupe toujours de Robin pendant les 3 premières années de sa vie, jusqu’à ce qu’il aille à l’école.